Baisse des salaires et loi du moins pire

Actualité WAAGE PRO, Publiée le 04 juin 2020

Les echos

Les entreprises vont-elles baisser les salaires pour sortir de la crise économique ? Chez l'équipementier aéronautique Derichebourg, la direction propose aux salariés d'abandonner leur treizième mois pour limiter les licenciements. La compagnie aérienne Ryanair veut diminuer de 10 % le salaire des hôtesses et stewards. Le journal « L'Equipe » entend réduire les rémunérations. Les cas vont se multiplier dans les prochaines semaines. Le gouvernement a logiquement réduit la voilure de son dispositif exceptionnel d'indemnisation du chômage partiel après le déconfinement des Français. Et il avait créé en 2017 un outil qui facilite les baisses de salaires en entreprise : l'accord de performance collective. Avec une activité en progression, il avait peu servi. Il en va tout autrement aujourd'hui. Il serait cependant catastrophique que les baisses des salaires se généralisent. Un tel mouvement enclencherait une spirale dépressive effroyable : moins de salaires, moins d'achats, moins de production, moins de salaires… Le constructeur automobile Henry Ford s'en retournerait dans sa tombe, lui qui augmentait les ouvriers pour qu'ils puissent acheter davantage de produits - et pas seulement des voitures, contrairement à la légende. L'économiste John Maynard Keynes aussi, qui théorisait demande globale et rigidité à la baisse des salaires. Il serait tout aussi catastrophique d'interdire de fait la baisse des salaires, comme ce fut le cas en France jusqu'aux accords de performance collective. Après le choc inouï du confinement, beaucoup d'entreprises cherchent à faire des économies partout pour préserver leur avenir, ou plus prosaïquement éviter la faillite. Jusque sur leur principal poste de dépense, la masse salariale. Elles peuvent actionner une série de leviers : temps et organisation du travail, congés payés, fin du recours à l'intérim, licenciements. Mais dans certains cas, une baisse temporaire des salaires peut être le moins pire des compromis, préservant l'emploi tout en baissant les coûts.

Pour être acceptable, une baisse des salaires doit cependant respecter des conditions. Elle doit d'abord être sérieusement négociée et non imposée, ce qui est en principe le cas dans un accord de performance collective. Elle doit ensuite avoir des contreparties (engagement à maintenir l'emploi, réduction du temps de travail, formation…) et des clauses de retour à meilleure fortune. Elle doit aussi moins peser sur les bas salaires, contraints dans leurs budgets. Et être incompatible avec une hausse des dividendes. La baisse des salaires ne doit pas être un premier choix. Mais elle ne doit pas plus être un choix impossible, sauf à vouloir une montée encore plus forte du chômage.

 

Source : Les Echos