Comment les patrons de PME vivent les demandes d'augmentation ?

Actualité WAAGE PRO, Publiée le 19 octobre 2021

Par valerie landrieu : les echos

NAO ou pas, le sujet salaires a pris le pas sur les autres dans les ateliers et les usines, ou chez les prestataires de services. Les chefs d'entreprise interrogés par « Les Echos » s'inquiètent d'une augmentation plus rapide de la courbe des salaires que celle des tarifs.
Chez People Base CBM, depuis la mi-août, le téléphone n'arrête pas de sonner. Ce ne sont pas les grands groupes qui sollicitent ce cabinet de conseil en stratégie de rémunération et politique salariale mais des ETI et des PME. « Il y a un certain énervement général sur les hausses de salaires », constate Cyril Brégou, associé fondateur.

La revalorisation de 2,2 % du SMIC au 1er octobre dernier a renforcé les attentes des salariés. « Les demandes d'augmentation de salaire passent normalement par les NAO [les négociations annuelles obligatoires, NDLR], mais aujourd'hui, les syndicats ne se sentent plus du tout liés par un calendrier et ce n'est pas parce qu'ils ont signé un accord, qu'ils ne reviennent pas à la charge sur la question », témoigne Pierre Boulet, PDG de l'équipementier automobile Novares.

 

Gains de productivité

Le fournisseur de solutions plastiques, qui emploie, en France, un millier de personnes dans 5 usines, ne tardera pas à ouvrir les NAO 2022. Pour le dirigeant, qui subit de plein fouet le « stop and go » des constructeurs automobiles, la situation s'annonce « compliquée ». Il compte sur les accords de modération salariale, déjà signés avec deux sites, pour calmer le jeu. « Pour les autres, nous allons réexpliquer les difficultés de notre secteur et entamer un processus à la française, avec moult réunions et crispation », prévoit-il.

Impossible également pour Arnaud Barral, directeur général du fabricant de mobilier de bureau Eol, de négliger la question. Dans cette PME qui emploie 250 personnes et réalise un chiffre d'affaires de 53 millions d'euros, l'augmentation des salaires balaye tous les autres sujets, lors des échanges informels, dans les deux usines françaises de Haute-Normandie et de Côte d'Or. « Le climat est tendu », confie le chef d'entreprise.

Dix jours avant l'ouverture des NAO 2022, il veut évaluer l'impact réel de l'inflation matières et transports, et sa capacité à les compenser. Mais il est décidé à « trouver les moyens de faire des efforts ». Ils passeront, prévoit-il, par des gains de productivité, une croissance du chiffre d'affaires et des augmentations de prix. « C'est un pari sur le futur », dit-il.

Autre secteur, autre taille, autre réalité, mais Jérôme Lopez, qui dirige Parolai Stil'Eco, une entreprise polyvalente, est lui aussi touché. Avec ses 4,8 millions d'euros de chiffre d'affaires et ses 26 salariés, cette PME iséroise n'est pas soumise aux NAO. Mais en mars dernier, le petit patron a mis la main à la poche pour fidéliser ses cadres - jusqu'à 1.000 euros de plus par mois. Les techniciens d'ateliers et les opérateurs ont connu le même sort quelques mois plus tard.

Finalement, du plieur qualifié patiemment formé, une denrée rare sur le marché, à la comptable, en passant par le fidèle responsable de production ou la jeune ingénieure logistique, tout le monde a été augmenté, de 2 à 10 % selon les postes, avec une moyenne à 5-6 %. « J'ai constaté une surenchère sur les postes en intérim et je voulais être sûr que personne n'ait la tentation d'aller voir ailleurs », ne cache pas le dirigeant. Entre l'augmentation du prix des matières premières et celle de la masse salariale, l'entreprise a rapidement perdu plusieurs points de marge et s'est résolue à augmenter ses tarifs. Pour Jérôme Lopez, perdre des clients était « un risque à prendre ». Tous l'ont finalement suivi ; les marges devraient reprendre des couleurs dès novembre.

 

 

Source : Les Échos