Le télétravail, l'occasion de réinventer la vie en entreprise
Actualité WAAGE PRO, Publiée le 24 septembre 2020Débats & idées
En appui sur des outils de pointe et de la cybersécurité, ce mode de travail à distance pousse à redéfinir bien des notions - celles de cohésion d'équipe, de confiance, de contrôle, de performance.
Depuis quelques jours, 40.000 collaborateurs de PSA dans le monde (dont 18.000 en France) ont la faculté de consacrer 70 % de leur temps au télétravail. Xavier Chéreau, le directeur des ressources humaines (DRH) et de la transformation du groupe automobile, les y a invités, peu avant le déconfinement, par voie de vidéo sur le réseau LinkedIn. Toujours au printemps dernier, cette fois en Amérique du Nord, Facebook et Google ont autorisé le WFH - « Working From Home » - jusqu'à fin 2020. La plateforme Shopify, le spécialiste du stockage de données Box, et la messagerie Slack leur ont aussitôt emboîté le pas. Pis, la société de paiement mobile Square et Twitter l'ont autorisé indéfiniment !
Fédérer des équipes à distance, cadrer l'intensité de leur travail, inventer des rituels… De nouvelles pratiques managériales se mettent en place depuis ce mois de septembre. En appui sur des outils de pointe et de la cybersécurité, elles poussent à redéfinir bien des notions - celles de cohésion d'équipe, de confiance, de contrôle, de performance. Preuve que les transformations relèvent autant de facteurs organisationnels que culturels.
Productivité et gains immobiliers
Reed Hasting, le co-CEO de Netflix, vient pourtant de fustiger le télétravail, n'y voyant « aucun élément positif », comme Marissa Mayer, chez Yahoo!, sept ans auparavant. Pourquoi diable de grandes entreprises courent-elles aujourd'hui le risque de secouer leur modèle ? D'abord, parce que le risque pandémique perdure. Ensuite, le télétravail, même contraint, a su gagner les faveurs des collaborateurs en termes d'autonomie et d'équilibre de vie. Enfin, les entreprises en attendent des retombées, notamment plus de productivité pour 64 % des DRH français interrogés par le cabinet BCG et l'Association nationale des DRH (ANDRH), et pour un tiers, des gains immobiliers.
En un rien de temps, l'enjeu du télétravail qui, en France, relevait surtout de la QVT (qualité de vie au travail), l'a allègrement dépassée pour s'inscrire dans un « projet d'entreprise, voire de société », juge François Moreau, président du cabinet LHH France. « La nouveauté, c'est le télétravail d'équipe », a estimé Frédéric Faure, le DRH d'Unilever France, Espagne et Portugal, lors d'une conférence virtuelle sur le sujet. « C'est un avantage concurrentiel face aux clients et un facteur d'attractivité des talents », a complété Olga Damiron, directrice des ressources humaines et de la RSE de Technicolor.
Mais un télétravail en bonne et due forme - hors pandémie - supporte mal l'improvisation, vient de rappeler l'ANDRH. Il va revenir à chaque entreprise de tirer un bilan prospectif des expérimentations nées durant le confinement, de s'accorder, au plan local, avec les organisations syndicales et les textes existants, d'articuler ses objectifs avec l'efficience organisationnelle, et surtout de former les managers. Moindre coopération, adhésion au projet d'entreprise, sentiment d'appartenance... Si on n'y prend pas garde, la cohésion d'ensemble et la capacité d'innovation collective peuvent vite s'enrayer. Les entreprises vont devoir circonscrire ces risques et d'autres encore, notamment psychosociaux et juridiques.
« Phygital »
Mais « passer de un à deux jours de télétravail est un changement de niveau ; de deux à trois jours, un changement de nature », avertit Dominique Laurent, DRH de Schneider Electric France. A 100 %, l'organisation court un risque de dilution et de « tout-outsourcing ». Alors que, mardi dernier, le patronat a accepté d'ouvrir une négociation sur le télétravail, l'avenir en France se dessine d'ores et déjà « phygital » : 60 % des entreprises envisageraient d'avoir plus d'un quart de leurs salariés en télétravail avec une moyenne de deux jours par semaine, comme chez Schneider Electric, qui ajoute six jours annuels mobilisables à souhait.
Tout l'art va résider dans la façon de placer le curseur et, à terme, la capacité des entreprises à sereinement considérer le télétravail comme un mode d'organisation parmi d'autres. Pour, sachant que 60 % des métiers n'y ont pas accès, pouvoir s'atteler à une tâche exaltante : reconfigurer avec équité le travail de demain.
Source : Les Echos