Politique salariale, politique de rémunération : le début d’une révolution ? Quatrième partie.

Actualité WAAGE PRO, Publiée le 26 janvier 2021

Analyse et reflexion du cabinet people base cbm

Et voilà une question qui fâche : les entreprises et les cabinets de conseil qui préconisent et mettent en œuvre ces méthodes de pesée / classification, sont-ils en train de sortir de la route ?

 

Il est naturel de se poser une telle question tant nous l’avons vu dans les articles précédents, le processus d’évaluation des emplois a une incidence majeure sur la politique salariale et la politique des emplois de l’entreprise.

La plupart des critères utilisés aujourd’hui dans les méthodes de pesée et de classification des emplois, n’ont que très peu évolué depuis leur création. Ils sont en effet presque tous hérités, soit de la méthode HAY, créée par l’armée américaine dans les années 45-50, soit de la méthode Parodi, élaborée au même moment en France pour la gestion des agents de la fonction publique. Et même si quelques ajustements ont été opérés ces dernières années (certains critères ont été ajoutés ou ajustés afin de davantage prendre en compte, certains aspects liés aux individus et à leurs capacités), on reste encore et toujours, à utiliser une majorité de critères dits « standards », tels que le « niveau de formation requis », le « niveau d’expérience nécessaire », le « degré de responsabilités ou d’autonomie ».

Critères standards qui ne permettent en rien d’identifier ni de valoriser les fonctions et les profils indispensables à l’activité de l’entreprise ou au maintien de son activité durant des périodes critiques ou de fortes transformations.

 

Ces méthodes, utilisées et déployées depuis des décennies auprès de centaines voire de milliers d’entreprises à travers le monde, ont conduit à reproduire presque partout, une même hiérarchie des fonctions et donc des salaires. On peut dire dans une certaine mesure, que « la méthode a fait le marché » (ceci est d’autant plus vrai que les enquêtes de rémunérations pratiquées depuis des années par la plupart des cabinets de conseils, reposent pour une très grande part, sur la comparaison des scores de pesée pour définir les fourchettes de salaires …).

Si ces hiérarchies (poids relatifs des fonctions et des salaires) fonctionnent très bien dans un contexte économique, social et fiscal stables (c’est d’ailleurs durant ces périodes que les méthodes d’évaluations ont été inventées), on peut légitimement se poser la question de savoir si elles sont encore valables et adéquates, dans notre monde actuel, fait de changements brusques et rapides et dans lequel prévaut l’incertitude permanente.

Il n’a en effet échappé à personne qu’au cours de ces deux ou trois dernières décennies, le monde a évolué de manière vertigineuse (informatique et systèmes d’informations, mondialisation et libre-échangisme : augmentation colossale des flux et des échanges, course à l’innovation et à la croissance, …). Certes nous avons connu (mondialement) une croissance et une augmentation globale des richesses sans précédent ; mais aux prix de contreparties particulièrement déstabilisantes, avec notamment une augmentation de l’ampleur et de la fréquence des crises (climatiques, financières, sociales, sanitaires, etc.).

Toutes les entreprises, quelle que soit leur secteur d’activité (industrie, services, commerce, …) sont impactées par ces changements. Elles doivent aujourd’hui, et le devront encore plus demain, se préparer à gérer les aléas, les crises et les situations changeantes. La crise mondiale de 2008 ou celle en cours du Covid-19 (pour ne citer qu’elles) en sont les parfaits exemples. Durant ces crises, qui ont mis à mal ou littéralement « mis au tapis » des milliers d’entreprises ; celles qui ont su se centrer sur l’essentiel, sur leur « core business », en mettant notamment en valeur les collaborateurs qui produisent, ceux qui vendent et ceux qui gèrent les situations « critiques », ont eu de réelles chances de passer convenablement ces crises ou tout du moins, à en limiter les effets négatifs.

Résilience et agilité seront sans aucun doute, les deux valeurs les plus importantes à cultiver dans les années à venir. Mais cela ne se fera pas tout seul. Un changement profond des habitudes et des mentalités sera nécessaire et un ajustement des échelles salariales devra sans aucun doute faire partie des priorités.

 

 

Le populiste et provocateur Jean-François Kahn, dans un édito publié récemment dans le journal Marianne écrivait : « Les éboueurs absents deux mois : insupportable ! Les administrateurs de sociétés empêchés pendant quatre mois, on ne s’en aperçoit pas. Sans caissières de supermarché, bernique les pâtes et le papier toilette. Sans conseillers en marketing, je ne manque de rien (…) ». Et même si cet édito fait preuve à certains égards, d’une évidente malhonnêteté intellectuelle (comme si les administrateurs ou les conseillers marketing ne servaient à rien et profitaient du système sur le dos des autres …), il a eu le mérite de mettre en lumière, des distorsions et les incohérences évidentes dans la hiérarchie des métiers (reconnaissance de la valeur ajoutée, de la gestion des aspects critiques et du rôle indispensable de certains) et donc des échelles de salaires qui en découlent.

 

A partir du 2 février 2021, retrouvez sur notre BLOG, la suite de cet article : " Politique salariale, politique de rémunération : le début d'une révolution ? - Cinquième et dernière partie. "