Preuve du caractère professionnel des « cadeaux clients » offerts à des salariés tiers à l’entreprise

Actualité WAAGE PRO, Publiée le 12 janvier 2022

Contentieux urssaf

Le contexte

Conformément à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale tel qu’applicable sur la période de contrôlée au cas d’espèce, toutes les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l’occasion du travailsont considérées comme des éléments de rémunérationssoumis à cotisations sociales. Ainsi, en principe, seuls peuvent constituer des avantages en espèce ou en nature et être intégrés, à ce titre, dans l’assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale, ceux attribués par l’employeur à ses propressalariés.

Par exception, l’article L. 242-1-4 du code de la sécurité sociale prévoit que : « Toute somme ou avantage alloué à un salarié par une personne n'ayant pas la qualité d'employeur en contrepartie d'une activité accomplie dans l'intérêt de ladite personne est une rémunération assujettie aux cotisations de sécurité sociale et aux contributions mentionnées aux articles L. 136-1 du présent code, L. 14-10-4 du code de l'action sociale et desfamilles et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale. Dans les cas où le salarié concerné exerce une activité commerciale ou en lien direct avec la clientèle pour laquelle il est d'usage qu'une personne tierce à l'employeur alloue des sommes ou avantages au salarié au titre de cette activité, cette personne tierce verse à l'organisme de recouvrement dont elle dépend une contribution libératoire […] ».

Entrent donc dans le champ d’application de cette disposition les sommes ou avantages octroyés :

- à un salarié ;
- par une personne tierce qui n’est pasl’employeur du salarié ;
- en contrepartie d’une activité accomplie dansl’intérêt de la personne tierce.

S’agissant des modalités d’assujettissement des avantages octroyés par une entreprise tierce, le législateur a prévu deux options (versement d’une contribution libératoire de 20 % ou assujettissement à cotisations et contributions de sécurité sociale de droit commun au premier euro).

Au cas particulier, à l’occasion d’un contrôle, l’Urssaf a réintégré dans l’assiette des cotisations sociales les cadeaux (séjours, tapis, plaque à induction) qu’une entreprise offrait à ses clients, dès lors que cette dernière ne fournissait pas de justificatifs relatifs à l’identité des bénéficiaires de ces cadeaux, et qu’en conséquence, le caractère professionnel de ces frais n’était pas établi.

La Cour d’appel d’Amiens confirme le redressement de l’Urssaf et l’absence de caractère professionnel des cadeaux offerts, dans la mesure où si la société produisait quelques noms de bénéficiaires, leur qualité n’était en revanche pas démontrée. L’employeurs’est donc pourvu en cassation sur ce point.

 

La décision

Sur le fondement des articles L. 242-1 et L. 242-1-4 du code de la sécurité sociale précités, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt en considérant que :

« En se déterminant ainsi, sans, d'une part, rechercher si ces dépenses constituaient des avantages en nature dont avaient bénéficié des travailleurs de l'entreprise en contrepartie ou à l'occasion de leur travail et, sans, d'autre part, constater que les cadeaux avaient été consentis à des salariés tiers à la société en contrepartie d'une activité accomplie dans son intérêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. »

 

L’analyse

La Cour de cassation, en cassant l’arrêt de la Cour d’appel pour insuffisance de base légale et en renvoyant les parties devant une Cour d’appel de renvoi, invite les juges du fond à constater :

- soit que les cadeaux en question constituaient des avantages en nature attribués à destravailleurs de l’entreprise en contrepartie ou à l’occasion du travail ;
- soit que les cadeaux avaient été attribués à dessalariéstiers de l’entreprise en contrepartie d’une activité accomplie dansson intérêt.

Autrement dit, la Cour de cassation considère que l’Urssaf, puis les juges, n’ont pas suffisamment fondé juridiquement le redressement pour caractériser l’octroi d’un avantage en nature aux salariés de l’entreprise contrôlée ou aux salariéstiers de l’entreprise contrôlée. Cet arrêt sanctionne indirectement une pratique courante des Urssaf consistant à considérer, lors de contrôles, que des cadeaux offerts à des clients sont présumés avoir été offerts à dessalariés de l’entreprise à défaut de justificatifssuffisants.

A noter toutefois que, contrairement à ce que pourrait laisser penser la motivation de l’arrêt, les cadeaux offerts à des clients d’une entreprise ne s’inscrivent pas nécessairement dansle cadre de la législation des avantages versés par lestiers prévue par l’article L.242-1-4 du code de la sécurité sociale précité.

 

 

Source : Cabinet Fromont-Briens